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20 Avr.
Techniques & Expertises

L'inertie thermique

Dans notre activité, nous devons faire face à un double défi : allier efficacité énergétique du bâtiment et confort des occupants. Face à ce casse-tête, l’inertie thermique peut être une solution ! Mais savez-vous bien ce qu’elle représente, ses caractéristiques et ses avantages ? Décryptage.

 

 

Ne pas confondre inertie et isolation thermique d’un bâtiment.

 

L’isolation limite les déperditions alors que l’inertie permet d’emmagasiner puis de restituer l’énergie.

 

Ainsi, on s’affranchit des variations de température extérieure en hiver comme en été et cela permet des gains de chauffage et de climatisation.

 

La transmission et l’absorption : les deux grands principes de l’inertie thermique.

 

L’inertie par transmission caractérise la capacité des matériaux de l’enveloppe extérieure du bâtiment à transmettre plus ou moins rapidement de la chaleur.

 

On parle de la diffusivité des matériaux constituant l’enveloppe. Plus elle est faible, meilleure est l’inertie par transmission de l’enveloppe, et plus la chaleur peine à traverser l’enveloppe.

 

L’inertie par absorption caractérise la capacité des matériaux des parois intérieures à absorber l’énergie, cela permet d’éviter des variations de températures trop importantes et une homogénéisation de la température intérieure.

 

« L’inertie par absorption agit comme une éponge avec l’eau, elle stocke l’énergie quand il y en a trop et la restitue quand il en manque ».

 

On parle de l’effusivité des matériaux constituant les parois intérieures. Plus elle est forte, meilleure est l’inertie par absorption, plus la paroi absorbe d’énergie.

 

Quelques valeurs d’effusivité et de diffusivité

 

Naturellement, on utilise un matériau dense et lourd (maçonnerie, béton, pierre…) pour sa bonne inertie par absorption. On veut qu’il ait une forte effusivité pour qu’il puisse capter la chaleur.

 

De la même façon, on utilise un isolant à faible effusivité afin d’échanger le moins possible avec son environnement. A noter que pour un isolant, son épaisseur est un élément important à prendre en compte.

 

Dans les deux cas, on veut un matériau avec une bonne inertie par transmission, c’est-à-dire une faible diffusivité afin que la chaleur traverse lentement le matériau.

 

Par exemple, d’après les valeurs ci-dessous, on peut voir que le béton permet une bonne inertie thermique. Ce n’est pas le cas du bois, qui a plutôt des qualités d’isolant.

Favoriser l’isolation par l’extérieur

 

L’isolation par l’extérieur supprime les ponts thermiques et favorise également l’inertie du bâtiment.

 

L’isolant étant à l’extérieur, les murs intérieurs vont emmagasiner la température intérieure désirée (chaude ou fraîche) et contribuer au confort des occupants tout en étant « protégés » de la température extérieure.

 

Si l’isolant est à l’intérieur, le mur extérieur va se charger de froid en hiver et de chaud en été, allant à l’encontre de la température voulue à l’intérieur du bâtiment.

 

 

Adapter la couleur des bâtiments à son environnement.

 

La couleur d’un matériau influe sur la chaleur qu’il récupère. Elle fait varier son coefficient d’absorption solaire. Un corps noir absorbe bien l’énergie solaire, tandis qu’un corps blanc aura tendance à réfléchir le rayonnement sans l’absorber. C’est pourquoi il est préférable d’avoir des bâtiments de couleur sombre dans les pays froids, et de couleur clair dans les pays chauds.

 

Attention au phénomène de la paroi froide.

 

En hiver, des murs à forte inertie peuvent créer le phénomène de paroi froide. Ce dernier traduit une situation où la température de l’air intérieur est conforme à la demande, mais où la température de surface des murs est froide car ils n’ont pas eu le temps de chauffer à cause de leur inertie.

 

Cela donne une sensation de froid à l’occupant, ce qui l’incite à augmenter la consommation de chauffage pour compenser cet inconfort.

 

Activer le système de chauffage grâce à une régulation optimisée en amont de l’utilisation du bâtiment permet d’avoir une température homogène au niveau des murs, permet plus de confort et ne génère pas de surconsommations.

 

Il est bien sûr recommandé de bien isoler son bâtiment, préférablement par l’extérieur, afin que les murs ne soient pas refroidis par l’extérieur.

 

 

Bien profiter de l’inertie thermique du bâtiment, c’est savoir bien utiliser le bâtiment.

 

L’amortissement définit la différence de température entre flux entrant et flux sortant de la paroi. C’est lié à l’inertie par absorption, l’effusivité du matériau.

 

Le déphasage définit le temps que met le flux de chaleur à traverser la paroi. C’est lié à l’inertie par transmission, la diffusivité du matériau.

 

Lorsque la température extérieure varie grandement, l’enveloppe ayant une grande inertie amortit ce changement soudain et échange lentement avec l’environnement intérieur.

 

 

En hiver, l’inertie thermique permet de stocker l’énergie des rayonnements solaires à travers les fenêtres. En soirée, la chaleur diffuse sera restituée aux occupants.

 

En été, les avantages de l’inertie thermique sont mieux connus. Il faudra garder ses fenêtres fermées pendant les périodes les plus chaudes !

 

La journée, on limite les apports à l’intérieur de l’habitat. Les pointes de températures sont écrêtées et on évite le risque de surchauffe.

 

La nuit, on profite de la fraicheur nocturne en refroidissant le bâtiment. Dans certains bâtiments on mécanisera ce principe appelé night-cooling.

 

 

En conclusion, maîtriser l’inertie du bâtiment est complexe mais permet de faire des économies d’énergie.

 

C’est l’une des raisons principales qui justifie l’utilisation d’un logiciel de simulation thermique dynamique (STD) intégrant le concept de l’inertie dans la conception des bâtiments performants.

 

Une bonne gestion des mises en régime, des effets de parois froides, des amortissements, des déphasages et de l’utilisation du bâtiment permet des économies d’énergie de l’ordre de 20 à 30%, voire même plus en supprimant complétement la climatisation devenue inutile, tout en amenant un confort supplémentaire aux occupants.

 

Quelques exemples d’application

 

L’apport solaire en hiver

Pour profiter de l’inertie thermique on peut placer des baies vitrées au sud du bâtiment. En hiver, les parois intérieures du bâtiment se chargent en énergie solaire, et grâce à leur inertie, elles homogénéisent la température du bâtiment.

 

Le night-cooling en été

Durant les nuits fraîches de l’été, on active le système de ventilation du bâtiment afin que les parois intérieures puissent se charger en fraicheur. Lorsque la chaleur de la journée arrive, l’intérieur du bâtiment reste frais et confortable.

 

Greenfloor

Les gaines de ventilation sont noyées dans les dalles béton du bâtiment afin de profiter de leur inertie. En hiver, les gaines échangent de la chaleur avec les dalles qui vont la retransmettre dans le bâtiment. En été, le night-cooling s’applique, les gaines chargent les dalles de la fraîcheur de la nuit.

 

Le phénomène de paroi froide est supprimé, le confort est meilleur.

 

Greenfloor permet des gains de place en faux plafonds, des économies d’énergie ainsi qu’une réduction de 90 kgCO2eq/m².

 

Système Greenfloor en construction, on y voit les dalles de béton sur la gauche, et les gaines de ventilation sur la droite.

 

Le changement de phase des matériaux

Bientôt, il sera possible d’optimiser l’inertie d’une enveloppe grâce aux matériaux à changement de phase. Ces derniers sont en fait des matériaux se liquéfiant et se solidifiant à des températures exploitables (grossièrement entre 10 et 80 °C). Cela permettra de stocker des grandes quantités de chaleur en passant à la phase liquide, et de la restituer en passant à la phase solide, exploitant au mieux les variations de températures jour/nuit.

HIPPOLYTE LECARPENTIER, PATRICE FRANSSENS, NAJAT SAOUF

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